1. Un mal de tête n’est pas l’autre
Vous avez déjà eu mal à la tête ? Bien évidemment, c’est d’ailleurs un symptôme assez banal et souvent passager.
Ce symptôme peut cependant devenir sérieux lorsqu’il y a une récurrence et une sévérité telle que cela à de manière générale un impact sur votre vie quotidienne; dans votre vie familiale , sociale ou professionnelle. Dans ce cas, il est considéré comme appartenant aux céphalées.
Selon la Classification internationale des céphalées, il existe en tout plus de 200 sortes de céphalées (1). Celles-ci sont divisées en 3 classes (et nous reprenons pour chaque classe les types de céphalées les plus pertinents pour le médecin généraliste):
- les céphalées primaires (97%) (2): migraine, céphalée de tension (tension-type headache ou TTH) et l’algie vasculaire de la face ou céphalée en grappes (cluster headache ou CH);
- les céphalées secondaires: céphalée par abus médicamenteux (medication overuse headache ou MOH);
- les neuropathies crâniennes douloureuses et douleurs faciales: névralgie du trijumeau et douleur faciale idiopathique persistante. Seule la migraine va être traitée en détail dans ce dossier, mais d’autres céphalées vont toutefois être abordées ponctuellement dans le cadre de leurs liens avec la migraine: diagnostic différentiel et présence simultanée.
2. Quelle est la prévalence de la migraine?
Grâce aux chiffres de l’OMS, nous savons que 15% de la population mondiale souffre de migraines (Figure 1).
- Aux États-Unis, la prévalence de la migraine est de à 6% chez les hommes et de 18% chez les femmes. (Figure 2).
- En Belgique, nous estimons la prévalence de la migraine sur une vie entière à 32% pour les femmes et 9,5% pour les hommes.
Ces rapports de 3 pour 1 confirment le constat que la migraine affecte trois fois plus les femmes que les hommes. Malheureusement, nous ne disposons pas en Belgique de données épidémiologiques officielles mais il est généralement admis qu’au moins 12% de la population souffre de migraines, dont 1% de cas de migraines chroniques (le groupe présentant le besoin thérapeutique le plus élevé).
3. Y a-t-il beaucoup de personnes souffrant de migraine?
4. La migraine fait-elle une différence entre les sexes?
La migraine est en effet sexiste, elle affecte 3 fois moins les hommes que les femmes. Certains auteurs soutiennent qu’il s’agit d’une expression de la «médecine masculinisée». Le Pr Paemeleire n’est pas du tout d’accord avec cette affirmation: «Deux mécanismes clairs sont bel et bien à l’origine de cette différence.
L’un d’eux est génétique, mais la génétique de la migraine est très complexe et les Genome Wide Association Studies n’en sont qu’à leurs balbutiements, l’autre est clairement dû à un facteur hormonal.
Avant l’apparition des règles chez les jeunes filles, la migraine est aussi fréquente chez les garçons que chez les filles. Après les premières menstruations, c’est à cause de la régulation cyclique des estrogènes qu’une plus grande proportion de filles/femmes que de garçons/hommes souffre de migraines (et nous constatons à nouveau une diminution de cette proportion après la ménopause).
Je n’exclus toutefois pas le fait que la manière dont un homme ou une femme se positionne dans la société peut éventuellement être l’un des nombreux facteurs entrant en ligne de compte.»
Pour la céphalée par grappes, c’est justement l’inverse: il y a trois fois plus d’hommes que de femmes qui souffrent d’algie vasculaire de la face.
5. L’impact économique de la migraine ?
La migraine représente une charge considérable pour la société. Ce nombre de jours de travail perdus est conséquent, et il engendre un coût important. En belgique, chaque année, le nombre de jours de travail perdus pour cause de migraine est de : 1.650.000 jours.
De plus, les dépressions sont deux fois plus fréquentes chez les patients souffrant de migraines, ce qui va également souvent de pair avec une incapacité de travail (prolongée). Naturellement, cela ne fait qu’ajouter au coût des médicaments remboursés (Figure 3).
6. L’iceberg de la migraine
Sur l’ensemble des consultations chez le médecin généraliste, 2% concernent des céphalées. Parmi celles-ci, 25 à 50% sont répertoriées dans le dossier médical comme migraines. Seulement 58% des patients migraineux consultent le médecin généraliste pour ce problème (certains se soignent eux-mêmes ou apprennent à vivre avec, une partie se tourne directement vers le spécialiste). Moins de 30% des patients atteints de migraines sont suivis par un médecin généraliste.
L’étude AMPP (American Prevalence and Preventionstudy) (3) nous apprend qu’il existe un «iceberg de la migraine», dans lequel il s’avère que 50% des patients ne sont pas diagnostiqués comme migraineux et moins de 10% des patients atteints de migraine chronique sont correctement traités dans ce cadre.
Trois obstacles se dressent sur la route vers un traitement adapté pour le patient migraineux:
- le patient ne consulte pas («car tout le monde a mal à la tête» et certains antidouleurs sont des médicaments en vente libre),
- le patient consulte mais ne reçoit pas le diagnostic correct, et/ ou reçoit le bon diagnostic, mais pas le traitement adéquat.
Les chiffres belges concernant les «personnes qui souffrent de maux de tête» obtenus auprès des pharmaciens (4) révèlent que, parmi les personnes qui vont régulièrement (au moins 1x par mois) en pharmacie se procurer des médicaments contre le mal de tête, 44% n’ont pas de diagnostic pour leur mal de tête et, au sein de ce groupe de patients non diagnostiqués, 43% répondent aux critères ID-M pour la migraine.
- Parmi les patients qui ont effectivement été diagnostiqués comme souffrant de migraines, seulement 12% ont reçu un traitement préventif.
Cette étude démontre également que 1 patient qui souffre de maux de tête sur 4 prend trop d’antidouleurs en crise et que seul 1 sur 6 a déjà reçu le conseil de réduire la fréquence de consommation des antalgiques. Moins de 1% d’entre eux a reçu un diagnostic de céphalée par abus d’antalgiques (médication overuse headache, MOH)…
Outre le rôle évident du médecin généraliste (augmentation des diagnostics de meilleure qualité et optimisation du traitement des crises et préventif), une mission importante de conseil incombe également au pharmacien: il doit encourager les patients présentant une surconsommation évidente d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires en vente libre à consulter le médecin généraliste.
C’est la raison pour laquelle l’une des actions de la plateforme Move4Migrane se compose d’une campagne à destination du grand public concernant la MOH, en plus de l’organisation de recyclages pour les médecins généralistes concernant le diagnostic et les directives pour le traitement de la migraine (voir le site Web Move4Migraine).
7. Qu’est-ce que Move4Migraine et qui en est à l’origine?
Move4Migraine est une plateforme multidisciplinaire indépendante qui recueille les témoignages et expériences de divers acteurs des soins de santé, du monde du travail, de la société civile ainsi que des patients. Avec ces témoignages, Move4Migraine essaye d’approfondir les connaissances et les données sur la migraine.
Son but est premièrement d’améliorer la qualité de vie du patient et deuxièmement de réduire l’impact sur la société (avec notamment le coût du nombre de jours de travail perdus). Les membres de Move4Migraine sont des bénévoles qui consacrent leur temps libre à la gestion de la plateforme, à l’élaboration et à la promotion de recommandations en cas de migraine et à la sensibilisation du grand public à l’égard de cette maladie.
8. Quel est l’objectif de Move4Migraine pour les médecins généralistes?
Le Dr van Leeuwen:
- «La migraine est une affection si fréquente dans la pratique de la médecine générale que l’on pourrait penser que chaque médecin généraliste y est totalement familiarisé. Je pense que, si l’on s’appuie sur une directive à jour, bien rédigée et claire pour les médecins généralistes et les MGF (et les pharmaciens), et sur une formation approfondie à l’université, dans les GLEM, etc., il devrait être possible de poser un diagnostic correct plus rapidement, en distinguant la migraine, la céphalée de tension et la céphalée par abus médicamenteux.
- Cela devrait également permettre de lancer un plan de traitement adapté dans lequel les médicaments pour les crises et préventifs sont utilisés dans le bon ordre et avec le savoir-faire nécessaire, lorsqu’ils sont nécessaires. Une bonne stratégie générale doit être mise en place, qui tienne compte non seulement des médicaments, mais aussi de tous les facteurs liés au mode de vie. Je pense que le médecin généraliste est le meilleur spécialiste dans ce domaine. La démarche active de s’enquérir si quelqu’un souffre de migraines et quel est son traitement si la situation s’y prête, ainsi que l’enregistrement détaillé des paramètres par le médecin généraliste et le pharmacien nous permettront à l’avenir de mieux gérer les migraines.»